Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Tout ce que se passe au club, les remarques, le comportement des membres ...

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nipsca
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par nipsca » dim. avr. 13, 2025 5:48 pm

:mrgreen:

Excellent momo et clarabistouille.

Pour momo: une rencontre au parloir de la prison ou dans un restau vegan branché ?

Pour clarabistouille: pas sure que l'herbe plaise a l'écrivain Winston.

En tout cas on rigole bien. :lol:
fabmanuel
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par fabmanuel » dim. avr. 13, 2025 11:29 pm

Si cher Mann.

je viens d'effacer par erreur puérile d'enfant chetif un bien long message. Je vous epargne sa litanie emplie de mon estime si personnelle, ravissante au possible et d'un rose à peine nacré telle votre coquille de St-Jacques de Compostelle.

Bref à la fin je ne touchasse point, je pleurasse chaudement ma grosse louloute hurlant à la mort. Cher Mann je vous souhaite ahuri encore mais dehors.

Je vous veux ds le salon, vous y parlez moins !

J'ai établi mes 3 règles

1...C'est brillant.
2..J'ai qu'une vie pour pouvoir tout vous lire.
3...je suis jaloux de votre genre de prose écrite avec des virevoltances de libellule dansant dans le lac des cygnes....ce qui, à vrai dire est très risqué pour un insecte.
Vous aimez être une proie et je m'en délecte tel Hannibal Lecter dans une nurserie.

4...gardez le
5...ça existe encore la guillotine populaire ?
5...la jalousie est horrible.
ClaraBistouille
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par ClaraBistouille » dim. avr. 13, 2025 11:42 pm

Eh ben voilà...
Maint'nant tout l'monde le sait...
C'est pas toi qui as la plus longue fab ^^
:(
fabmanuel
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par fabmanuel » lun. avr. 14, 2025 12:21 am

Que l'on ecartèle cette femme avec des cochons d'Inde cocaïnés.
blanjean
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par blanjean » lun. avr. 14, 2025 11:36 am

Ah !

Le sieur schaltzmann.
Au top pour faire monter la mayonnaise...

Au final, quelle grandiloquence pour masquer la goujaterie...
maitreshaolin
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par maitreshaolin » lun. avr. 14, 2025 12:31 pm

blanjean a écrit : lun. avr. 14, 2025 11:36 am Ah !

Le sieur schaltzmann.
Au top pour faire monter la mayonnaise...

Au final, quelle grandiloquence pour masquer la goujaterie...
fin de compte tu recherches quoi;envie d'exister? allons blanjean essaie d'arréter tes provocs....... le site ne peut que mieux s'en sortir.
tu vois la goujaterie c'est ce que tu es en train de faire!
ajavi
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par ajavi » lun. avr. 14, 2025 1:08 pm

nipsca a écrit : dim. avr. 13, 2025 12:19 pm Assez divertissant le mélange des genres dans cette rubrique, j'avoue. Ca me reporte à certaines de mes lectures d'adolescente et de jeune adulte :

1984 de George Orwell (le classique des classiques), en particulier la 3e partie.
Farenheit 451 de Ray Bradbury
Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley
Un bonheur insoutenable d'Ira Levin

Ca pourrait sans doute ressembler un peu à ce qu'un Jean Moulin aurait écrit s'il l'avait pu durant son incarcération?

Bref l'atmosphère bien déprimante est très réussie.

Le tout intercalé d'un peu de correspondance qui aurait pu être écrite au 18e siècle, genre Les Liaisons Dangereuses?

Très réussi, lâchez pas Winston Smith et la Marquise de Merteuil!
[/quot
Cela tombe bien le film les liaisons dangereuses passe ce soir sur Arte.
nipsca
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par nipsca » lun. avr. 14, 2025 3:21 pm

Super ! J'espère qu'il s'agit de celui de 1988, John malkovich et Glenn close livrent une performance magistrale. N'ayant pas vu la version sortie en 2002, je ne saurais dire si elle rend autant justice au roman.

Le roman est également excellent même si le 'langage' peut sembler un peu 'vieillot'.

Bon film ! :D
schaltzmann
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par schaltzmann » lun. avr. 14, 2025 8:13 pm

Ce récit est une histoire, une fiction. Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.

JOUR 6 – Bloc C -- Cellule 21

Parasites

Je ne comptais pas écrire aujourd’hui. Pas que les idées manquent. Ici, tout est matière à écrire : l’air moisi, les visages fermés, la routine carcérale maquillée en pédagogie douce. Non. Ce qui manque, c’est le temps. L’espace mental. Une journée de plus à se faire marteler les tempes par des ateliers aux noms rassurants : bienveillance, réinsertion, vivre ensemble. Une journée à se faire poncer l’âme à sec.

Et pourtant, ce matin, j’ai dû prendre la plume. Parce qu’en soulevant mon matelas pour récupérer ce carnet, mon dernier territoire, ma tranchée, je suis tombé nez à nez avec eux.

Une colonie.

Cafards, cloportes, larves à peine formées, toute une foutue armée souterraine venue prendre ses quartiers dans le dernier espace où je croyais encore pouvoir respirer. Ils grouillaient dans la tiédeur du tissu comme des idées moisies prêtes à éclore, bien au chaud dans les plis de la mousse.
Et j’ai compris.

C’étaient eux.

Pas juste des nuisibles. Des figures presque humaines. Des présences symboliques. Une métaphore surgie des ténèbres, brute et parfaite. Ils n’étaient pas là pour m’inspirer. Ils étaient là pour me prévenir.

Ces parasites, ce sont les mêmes que je devine déjà, tapis derrière leurs écrans. Les mêmes qui viendront, un jour peut-être, ramper autour de ce que j'écris.
Si jamais je décidais, folie douce, de publier ce journal hors d’ici. De le jeter à l’air libre, en guise de témoignage. Un blog, un forum, une page quelconque. Un cri rendu public.

Et là, ils viendraient.

Pas pour comprendre.Pas pour lire.Encore moins pour débattre.
Non.
Ils viendraient pour occuper. Coloniser l’espace. S’en emparer. Détourner le regard de ceux qui s’attarderaient trop près de la vérité crue de mes confessions. Faire diversion. Faire du bruit.

Ils viendraient avec leurs avis, pensant peut-être qu’ils comptent, leurs jugements préfabriqués, leurs mots ternes, sans chair, sans fièvre.
Ils viendraient, pleins de leur jalousie d’âme sans talent, vomir leur moraline sur ce que j’aurais pondu dans la douleur.

Ils ne viendraient pas pour enrichir. Ils viendraient pour parasiter. Et ils le feraient bien. Parce que ce sont des parasites.
Et un parasite, c’est pas là pour comprendre. C’est là pour sucer. Pour pomper l’énergie, détourner l’attention, prendre toute la place jusqu’à faire oublier l’origine de la chose qu’il habite.

Et moi, je n’aurais que mes mots. Et eux, leurs venins.

Mais je les connais. Je les ai déjà vus ici. Dans la mousse, sous le matelas. Dans leurs larves, il y avait déjà leurs phrases à venir.

Malgré tout, la journée s’est écoulée comme une seringue lente. Ateliers en rafale. Rééducation mentale. Bienveillance conditionnée. Ouverture à l’altérité interespèces (pour faire suite à la journée verte de hier) oui, même les moustiques ont droit à notre respect maintenant. On s’excuse d’avoir eu des réflexes, on célèbre nos émotions, on apprend à respirer en rythme avec nos futurs bourreaux.

On nous lime le crâne. On repeint nos instincts.

Et ce soir, ou plutôt, dans quelques heures, je passerai chez la psychologue. Son bureau sera calme. Trop calme. L’éclairage doux, la voix feutrée, les silences calculés. Elle me parlera comme à un animal blessé qui peut encore être sauvé. Elle me demandera ce que je ressens. Elle notera ce que je tais. Elle cherchera un traumatisme à recoudre. Une mère défaillante. Une faille à boucher. Un aveu à extraire.

Je la regarderai sans ciller. Je répondrai juste ce qu’il faut. Je jouerai mon rôle dans sa mise en scène. Peut-être même que je me laisserai faire. Peut-être que je l’écouterai, pour voir jusqu’où elle croit pouvoir aller. Et si je survis à cette séance, si elle ne réussit pas à m’arracher plus que ce que je suis prêt à céder, alors je vous raconterai peut être dans un futur récit, un prochain jour calme.

Demain, apres demain, ce week-end, je ne sais pas.

Ce soir, ils nous annoncent une séance de télévision. Un moment de détente. Un privilège.

Et comme une messagère de l'ironie, la vermine a devancé l'avenir.

Une blatte. Grasse. Lente. Déterminée.
Elle a traversé la cellule comme un commissionaire antique, traînant dans ses mandibules un petit bout de papier mâchonné.
Un fragment de vérité. Je l’ai récupéré. C’était un morceau du programme télé.

Et bien sûr, c’était un morceau de la page Arte.

Pas besoin de lire plus loin. Je connaissais la musique. Arte, c’est le théâtre d’ombres des intellectuels en pantoufles. Des documentaires lents comme la mort. Des voix-off qui chuchotent des concepts vides. Des émissions où trois universitaires en col roulé débattent de l’impact des silences dans les oeuvres non genrées du théâtre lituanien. Des films en plans fixes où il ne se passe rien, mais où il faut trouver un sens.
Et toujours cette question, cette foutue question lancée comme un post-it existentiel : « Et si l’absence était déjà une forme de présence ? »

Non.

L’absence, ici, c’est juste un trou. Un vide. Un gouffre où la pensée s’est suicidée par excès de bonne intention.

Ces programmes, c’est du vinaigre tiède pour esprits fragiles. De la culture pour ceux qui se regardent réfléchir. Un miroir pour egos qui ne voient que leur reflet.

Alors ce soir, je ne regarderai pas l’écran. Je resterai là, dans ma cellule, assis dans l’ombre. Et je regarderai les cafards. Eux au moins, je les connais. Ils ne jouent pas un rôle. Ils rampent, ils grattent, ils attendent. Et je vais rester avec eux. Pas parce qu’ils m’apaisent. Pas parce qu’ils m’inspirent. Non. Parce qu’ils ont besoin de moi.

Sans moi, ils retourneraient à leur mousse. À l’oubli. À leurs tunnels humides, à leur nuit sans forme. Sans moi, ils sont juste ce qu’ils sont : des rampants aveugles, des restes du monde.

Mais quand je suis là, quand je les regarde…..Ils existent. C'est pour ça qu'ils sont là.

Votre très dévoué et irrévérencieux.

Schaltzmann.
nipsca
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par nipsca » lun. avr. 14, 2025 10:53 pm

Image

Hakuna Matata (me disais que ca finirait par être pertinent) :)
fabmanuel
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par fabmanuel » mar. avr. 15, 2025 12:09 am

Bien cher Prisonnier emphatique,

j'avais plein de mots précis, sains, inventifs, voire cruels à vous en inonder le jabot,
puis en bas de page je fus tombé sur les pubs Temu....

Bien évidemment du fond de votre antre insalubre à 859 euros la nuit (ressenti 4 euros 50 )
vous n'avez pu voir cette perruque brune au carré genre Mireille Mathieu le retour,
puis une sorte d'écarte cuisse féminin en mousse j'ai pas compris,
un respirateur en silicone si on ronfle et un maillot de bain tanga pour l'été.

Je n'invente rien.

Donc je veux être concis ne sortez point bisous Mann.
schaltzmann
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par schaltzmann » mer. avr. 16, 2025 7:58 pm

Ce récit est une histoire, une fiction. Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.


JOUR 7 – Bloc C, Cellule 21

Le jour 7 s’est déroulé sans incident.
Rien à signaler. Pas de débordement, pas de colère rentrée, pas même une larme à réprimer. Un jour lisse, fade, inutile. Une longue ligne droite dans un couloir sans murs. Même les cafards ont semblé s’ennuyer. Un vide parfait. Et ici, le vide est une forme d’ordre. Donc une réussite.

JOUR 8 – Bloc C, Cellule 21

Séance

Ce jour commence comme tous les autres. Réveil à 6h30. Toujours cette même sirène, sèche, inhumaine. Une injonction mécanique qui n’a même plus besoin de gueuler. Elle s’insinue dans la moelle, comme un ordre qu’on a déjà intégré malgré soi.
On se lève, on s’étire dans le silence, on s'aligne dans le couloir, on se regarde à peine. Pas besoin de mots : les corps parlent, fatigue, soumission, repli.

Petit-déjeuner : du pain synthétique, une boisson chaude sans nom, et cette pâte grise censée remplacer le beurre. Rien qui ressemble à une consolation.

À 8h00, c’est parti pour l’atelier d’apprentissage de l’autocensure.
Un classique. On y apprend à repérer les mots dangereux, à reformuler nos instincts, à arrondir nos angles jusqu’à devenir parfaitement inoffensifs.
Dire "je ressens de la colère" au lieu de "j’ai envie de t'arracher les yeux avec une cuillère".
Dire "je me sens frustré" au lieu de "vous me faites tous chier".

À 10h, c’est le ménage des espaces communautaires. On frotte, on balaye, on récure les recoins de cette prison républicaine du vivre-ensemble. On astique les surfaces pendant qu’on continue à salir nos pensées. On nettoie ce qui ne sera jamais propre. Mais on le fait bien.

Déjeuner à midi : semoule collante, tofu suspect, eau tiède. Puis retour en cellule. De 13h à 15h, c’est le seul temps mort de la journée. Deux heures de néant organisé. Certains dorment. D’autres fixent le mur. Moi, j’attends. Je sais ce qui vient.

15h00.
On vient me chercher. Je devais déjà y passer avant-hier. C’était prévu, encadré, validé par les petits chefs de couloir et tamponné en haut d’un planning coloré. Mais ce jour-là, un miracle a surgi des tréfonds du bloc. Un de mes camarades de cage, un inconnu à qui je devrais presque une lettre de remerciement, a eu l’idée brillante de déclencher l’alarme incendie. Pas de feu. Pas de fumée. Juste cette sonnerie stridente qui lacère l’air et suspend toute autorité. On a été évacués, remobilisés, recadrés.

Mais surtout : toutes les séances ont été annulées. Un moment volé au système. Un souffle d’air. Une pause dans la chaîne. Le genre de victoire minuscule qu’on savoure en silence.
Mais les bons gestes ne se répètent jamais. Et aujourd’hui, c’est bien moi qu’on escorte jusqu’au bureau de la psy situé dans une aile à part. Une enclave aseptisée.

Je la reconnais dès l’entrée. Antoinette. Petite femme ronde, lunettes d’archiviste, blouse qui flotte sur des formes fatiguées. Une femme qui transpire l’ordre et la méthode jusque dans sa coiffure. Je me demande si elle sourit en dormant. Le décor est à l’image de son rôle : murs pâles, fauteuils gris, coussin jaune, un sablier coule lentement sur une table basse. Même la plante verte semble avoir capitulé. Elle agonise dans son pot.

« Bonjour. Je suis contente de vous revoir. »

— « Moi aussi. C’est pas tous les jours qu’on a droit à une séance gratuite de désossage mental. »

Elle ne bronche pas. Elle sourit. Elle m’indique le fauteuil face à elle.

« Installez-vous. Ici, vous pouvez parler librement. Sans jugement. Sans conséquence. »

— « Le genre de phrase qui précède généralement une tentative d’extraction de confessions larmoyantes. »

Elle s’assied, croise les jambes. Son stylo est déjà en main.

« Vous vous souvenez de moi ? Nous nous sommes rencontrés pendant l’atelier vivre ensemble. »

— « Comment oublier ? J’ai encore des cauchemars aux couleurs arc-en-ciel. »

Elle sourit encore. Trop. Puis entre en scène.

« J’aimerais qu’on parle de votre manière de fonctionner. Ce recul permanent. Ce sarcasme. C’est une construction. Une défense. Très… winnicottienne, si vous me permettez. »

— « Bien sûr. Le “faux-self” qui protège le “vrai moi” blessé. Le sein halluciné du bébé abandonné. Je connais la rengaine. »

« Donc vous savez que vous jouez un rôle. »

— « Pas un rôle. Un personnage de théâtre. Celui que vous attendez. Celui que vous pouvez analyser. »

« Mais vous n’êtes pas ce personnage. Il vous protège, certes. Mais il vous enferme. »

— « Mieux vaut une prison choisie qu’un bain d’eau tiède imposé. »

Elle note.
Ses yeux ne quittent pas la page. Elle parle doucement.

« Le cynisme est souvent une manière de garder le contrôle. De couper le lien avant même qu’il ne puisse se former. C’est très Lacanien. »

— « Lacan, c’est celui qui parlait pour qu’on ne le comprenne pas ? J’ai essayé de lire un de ses séminaires, j’ai failli me jeter par la fenêtre… jusqu’à ce que je me rende compte qu'ici, les fenêtres avaient des barreaux. »

« Vous théorisez tout. Pour ne pas ressentir. Vous habitez dans l’abstraction. »

— « Et vous, vous habitez dans la croyance. On fait tous ce qu’on peut pour ne pas crever trop vite. »

« Dites-moi… Votre enfance ? »

— « Normale. Deux parents normaux. Divorce propre. Mère partie avec un prof de yoga, père noyé dans son job. Et moi au milieu, à faire ma valise comme on replie une enfance. »

« Et l’école ? »

— « L’enfer des intelligents. J’allais trop vite, je dérangeais. Pas méchant, juste… en avance. Et dans ce monde, être en avance, c’est déjà être fautif. »

« Vous avez été seul. »

— « Pas seul. Trop entouré par des gens lents. »

Elle hoche la tête. Puis, au moment précis où elle s’apprête à répondre, le téléphone sonne. Elle décroche sans se presser, lève un doigt et tourne légèrement le dos.
Elle parle bas. Une voix basse, hachée. Un nom. Une date. Et ce mot, susurré comme un gros mot, posé comme une cerise sur un gateau trop fragile. « Suicide. »

Elle raccroche. Se retourne. Et elle reprend. Sans trembler. Sans un pli de travers. Toujours dans le rôle.

« Excusez-moi. Reprenons. »

Et c’est là que je le pense. Elle ne doute pas. Et peut-être que c’est ça, le vrai poison. Croire. Toujours. Croire que l’on fait le bien. Que l’on soigne. Que l’on sauve. Ne jamais envisager qu’on pourrait être la dernière goutte qui fait céder la digue. Elle oublie que vouloir aider ceux qui n’ont rien demandé, c’est parfois une agression.

Elle reprend son ton doux.

« Vous fuyez l’affect. Toujours. Et quand l’émotion approche, vous tirez. C’est un classique. Une angoisse de castration refoulée, peut-être. »

— « Ah, le bon vieux phallus symbolique. Il ne manquait plus que lui à notre petit théâtre. Qu’est-ce qu’il vous manque pour faire le bingo complet ? Dolto ? Le complexe d’Œdipe ? »

« Vous y venez tout seul. C’est intéressant. »

— « Intéressant, c’est ce que vous dites quand vous avez aucune foutue idée de ce que ça veut dire mais que vous voulez garder l’ascendant. »

Elle ne se démonte pas.

« Vous semblez redouter l’idée même d’être vu. Vraiment vu. Pas comme ce personnage que vous incarnez. Mais vous êtes venu, aujourd’hui. Vous êtes resté. Vous parlez. C’est déjà une faille. Une ouverture. »

— « Ou un passe-temps. J’ai déjà lu tous les livres de la bibliothèque. Et les cafards sont en grève. »

« Et pourtant, vous êtes resté là pendant plus d’une heure à déconstruire chaque phrase que je prononce. Vous vous investissez dans ce dialogue. À votre manière. »

— « Je fais ça partout. Même dans ma cellule. Je démonte les murs avec mes yeux. »

Elle incline la tête. Doucement. Elle sent que la brèche existe. Pas béante. Mais réelle.

« Qu’est-ce qui vous fait le plus peur, ici ? »

Je souris.

— « Rien. C’est ça, le problème. J’ai peur de plus rien. Et c’est ça qu’ils veulent me faire ressentir. La peur. Le doute. La honte. Ils veulent que je pleure pour valider leurs efforts. Mais moi, je suis sec. À force de me forcer à ressentir, ils ont fini par tout cramer. »

« Peut-être parce que tout a été bloqué très tôt. Vous avez figé l’affect pour ne pas souffrir. »

— « Ou pour ne pas faire semblant. Je préfère l’indifférence vraie à l’émotion feinte. »

« Vous vous êtes construit une forteresse. Avec des murs faits de mots. Vous êtes dans le langage. Mais jamais dans le lien. »

— « Peut-être parce que le lien, ici, c’est ce qu’on te passe autour des chevilles. »

« Je pense que votre lucidité est réelle. Mais elle est aussi une forme de renoncement. Vous avez transformé l’intelligence en carapace. »

— « Et vous, vous avez transformé la bienveillance en camisole. »

Elle reste droite. Impassible.

« Une seule phrase vraie. Dites-moi une chose sans humour. Sans sarcasme. Sans détour. »

Je la fixe.
Puis je lâche :

— « Je pense que votre lumière fait plus de mal que mes ténèbres. »

Silence. Dense. Elle ne répond pas. Elle note. Je me lève. Je salue la plante. Je sors.

De retour en cellule, je m’allonge. Je fixe le plafond. Et je pense à elle. A Antoinette.

Je l’imagine chez elle. Une théière fumante. Des livres bien rangés. Des coussins à messages positifs. Peut-être un chat. Peut-être un mari éteint. Peut-être rien.
Juste une femme seule dans son confort bien ordonné.

Je pense à ce qu’elle est. À ce qu’elle croit être. Et pour la première fois depuis longtemps, je ressens une forme de tendresse.
Oui. De la tendresse. Parce que je sais ce qu’elle est, au fond : Une personne bien. Une personne gentille. Une personne profondément bienveillante.

Mais à force d’excès de bienveillance, elle en a oublié le sens du mot tolérance. À force de vouloir aider, elle n’écoute plus. Elle corrige. Elle ramène à la norme.
Elle rêve d’un monde sans douleurs, sans cris, sans heurts. Un monde aseptisé. Un monde sans moi. Un monde sans combat.
Et pourtant, elle me touche. Parce qu’elle y croit encore. Parce qu’elle veut bien faire. Parce qu’elle pense sauver.

Et moi, je suis là, allongé dans le noir. Encore vivant. Encore indompté.
Parce que j’ai la lucidité de ne pas vouloir être sauvé à ce prix-là.

Votre très dévoué et irrévérencieux.

Schaltzmann.
ClaraBistouille
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par ClaraBistouille » mer. avr. 16, 2025 8:12 pm

Eh ben....
T'as l'air de bien t'faire chier...
Bon courage... ^^

Je rappelle que les derniers billets sont toujours en vente...
Faites vite !
L'association a besoin de vos dons ^^
Pièces jointes
billets.jpg
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nipsca
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par nipsca » mer. avr. 16, 2025 11:20 pm

Ah la séance de psy, un must ! Les groupies seront ravis !

Pour le billet, je peux payer avec ça? (désolée c'est tout ce que j'ai sous la main) :

Image

ou peut-être avec ça?

Image

Vous pouvez garder la monnaie, cadeau :)
nipsca
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Re: Nouveau Journal d'un prisonnier politique.

Message par nipsca » jeu. avr. 17, 2025 12:01 pm

J'avoue que j'ai hâte de lire l'épisode de la tentative d'évasion. Edmond Dantès, Steve McQueen ou Jacques Mesrine ? Suspense, suspense, les paris sont ouverts :)
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