Journal d'un exilé

Tout ce que se passe au club, les remarques, le comportement des membres ...

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schaltzmann
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Journal d'un exilé

Message par schaltzmann » mer. avr. 02, 2025 8:31 pm

C'est avec courage et toutes les forces qu'il me reste que je tiens à témoigner des quelques jours passés dans les geôles des bannis.

Je vous partage mon 3ème jour de détention, j'ai longuement hésité à tenir un journal quotidien mais mes tortionnaires ne m'en ont pas laissé la force.

Jour 3 – Le point culminant de l'abomination carcérale.

07h00 – L’aube se lève sur mon cachot idéologique. Une cellule de douze mètres carrés, peinte d’un blanc neutre, aseptisé, anonyme, sans âme. À mon réveil, un gardien, en short en lin bio et sandales compensées, chignon et collier de perles, entre et m’adresse un sourire compatissant, ce genre de sourire qu’une féministe progressiste pourrait offrir à un pénitent coupable d’avoir apprécié une blague sexiste.

07h30 – Le petit déjeuner arrive. Une infusion tiède de gingembre-citron-réglisse et un pain sans gluten qui a manifestement plus de remords que de saveur. On me glisse un exemplaire du Monde, en guise de céréales. "Lis, instruis-toi", me souffle mon tortionnaire, avant de me signifier qu’un débat de rééducation m’attend.

08h00 – Le débat du matin. Dans une salle aux murs nus, trois experts me font face. Une sociologue intersectionnelle, un professeur de sciences sociales et un ex-publicitaire repenti, venu expier ses péchés capitalistes en expliquant pourquoi vendre des aspirateurs aux ménagères et des pèse-personnes aux obèses était un crime contre l’humanité.

Le sujet du jour : « Déconstruire les structures du privilège dans l’imaginaire collectif et redéfinir la grammaire du consentement spontané et progressiste ». Je n'y comprend absolument rien et je propose qu’on se focalise plutôt sur la méthode pour cuire un bon boudin noir sans qu’il éclate, mais ma suggestion est jugée hors sujet.

10h00 – L’atelier de sensibilisation commence. Aujourd’hui, je dois visionner une série de documentaires édifiants sur la nécessité d’adopter une écriture inclusive et la responsabilité morale que nous avons envers les minorités LGBT, ces oubliés de la cause sociale. Dans un moment d’égarement, j’émets un rire sonore à la phrase « Vive le Québec libre ». Grave erreur. Deux heures de pénitence supplémentaires.

12h00 – Le déjeuner est servi. Une bouillie végétale dont la fadeur ne peut être comparée qu’à la litanie monotone des lois internationales, pays par pays, qui régissent la conduite des internautes, usagers numériques sous la tutelle de Big Brother. Chaque bouchée est un chemin de croix, un supplice d’une inhumanité raffinée. Je troquerais mon âme (déjà bien entamée) pour un saucisson luisant, transpirant le gras et l’impudence, un saucisson vulgaire, un saucisson qui ne s’excuse pas d’exister. Mais non. À la place, du tofu. Du TO-FU !!!. Deux syllabes qui sonnent comme une insulte faite à la gastronomie et à l'humanité tout entière. Pour dessert, un carré de chocolat éthique aux fèves issues du commerce équitable. L’équité, hélas, n’a jamais eu de goût.

14h00 – Séance de « réappropriation émotionnelle ». Une animatrice me tend une poupée et me demande de désigner sur son corps les endroits où la société oppressive m’a fait du mal. J'hésite, mon doigt tremble, se dirige vers .... et finalement j’ai l’audace de pointer mon foie, abîmé par des années de bons Bourgogne et d'excellents Rhum. On me somme de prendre la chose au sérieux.

16h00La punition. Mes geôliers, furieux de mon manque d’enthousiasme, passent aux méthodes fortes. Je suis attaché sur un fauteuil en rotin recyclé et soumis à une écoute en boucle de chansons engagées. Brassens, Ferrat, je supplie pour qu'on m'épargne Souchon, en vain, mes oreilles saignent et on m'achève avec un album concept de chants militants inclusifs sur fond de ukulélé. Au bout de trente minutes, je me sens pris d’une étrange pulsion : la nostalgie de Michel Sardou.

19h00 – Cours obligatoire de cuisine végane. On m’apprend à préparer un steak de pois chiche et des lasagnes au quinoa. Mon instinct de survie me pousse à réclamer une poêle, un bon morceau de beurre salé et une côte de boeuf. On me rétorque que le beurre, c’est l’apanage de l’oppresseur et que ceux qui mangent du boeuf ne sont que des assassins.

21h00 – Lecture imposée. Un recueil de pensées bienveillantes et de tribunes édifiantes sur la nécessité de s’excuser d’être né. Je résiste. J’ouvre clandestinement un exemplaire des Maximes de La Rochefoucauld, que j’ai réussi à cacher sous mon matelas. J’y trouve un réconfort que seule la lucidité sait offrir.

22h00 – Cours de réappropriation de l'outil numérique. On m'inscrit de force sur un site de rencontre et on me demande, sous la menace du fouet, de reconnaître, parmi les nombreux messages que je reçois, ceux qui sont écrits par des brouteurs ou de vils arnacoeurs. Je relève le défi haut la main, je les reconnais tous et je peux même les déceler rien qu'en lisant leurs pseudos. Mon geôlier reste incrédule et malgré ma criante réussite à ce test me scie le dos de 5 coups de fouets pour punir mon arrogance.

23h00 – Extinction des feux. Un dernier regard à ma cellule, mon temple de la dissidence. Demain, je sortirai. Non pas brisé, mais renforcé. Ils ont tenté de m’émasculer intellectuellement, de me rendre honteux de mes pensées, de me convertir à l’adoration de la fadeur et du conformisme. Mais j’ai tenu bon.

Ils espéraient me briser, me ramener dans le giron cotonneux de l'orthodoxie bien pensante. Mais à chaque bouchée de leur potage insipide, à chaque couplet de leur musique trop douce, à chaque ligne de leur prose consternante, mon esprit se redressait. Tel un phallus libre défiant la pudibonderie générale, il persistait, insolent et inébranlable !

Mais demain, camarades, demain je serai libre ! Oui, libre de recracher le tofu, de brûler Le Monde en place publique, de hurler des insanités en mangeant du pâté au piment d’Espelette !

Avant de prendre la poudre d’escampette, je tiens à saluer du fond du coeur tous ceux qui m’ont soutenu dans cette terrible épreuve. Vous, mes vaillants amis, qui m’avez envoyé des messages de réconfort ! Vous qui, tel un bon vieux boudin noir, avez apporté de la substance dans mon assiette vide, du gras dans mon existence ascétique, de la gauloiserie dans cet univers constipé !

Camarades, ne baissez jamais la garde ! Si un jour vous sentez l’air vibrer d’une chanson de Brassens, si un bol de quinoa vous est imposé sous prétexte d’"ouverture d’esprit", si un exemplaire de Libé ou de Télérama vous saute dessus sans sommation… FUYEZ !

Et surtout, riez, mes amis, riez tant qu’il est encore temps ! Riez fort, riez gras, riez vulgaire, riez avec un verre de rouge dans une main et une andouillette grillée dans l’autre, afin que jamais la bienséance ne vienne vous bâillonner !

Avec toute mon irrévérence,

Schaltzmann.
Bulle59
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Re: Journal d'un exilé

Message par Bulle59 » mer. avr. 02, 2025 9:02 pm

BRAVOOOOOOOOOO
spring20
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Re: Journal d'un exilé

Message par spring20 » mer. avr. 02, 2025 10:10 pm

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Re: Journal d'un exilé

Message par spring20 » mer. avr. 02, 2025 10:12 pm

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canelle13
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Re: Journal d'un exilé

Message par canelle13 » mer. avr. 02, 2025 10:41 pm

C'est excellent !!! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: Bravoooo
romane32
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Re: Journal d'un exilé

Message par romane32 » jeu. avr. 03, 2025 2:49 pm

QUE DIRE D'AUTRE?

QUE TU AS DE GRANDES QUALITES POUR L'ECRITURE ET LE DESSIN! BRAVO VRAIMENT ...

LE PRINCIPAL EST QUE TU REVIENNES ,QUANT A RANTANPLAN BIEN SUR QU'IL EST LE PLUS BEAU !!!SANS ETRE LECHE-BOTTES (POUR RESTER POLIE)..

ALLEZ MERCI ENCORE POUR TES ECRITURES QUI M'ONT BIEN AMUSEE.

BRAVO.
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Re: Journal d'un exilé

Message par fabmanuel » jeu. avr. 03, 2025 7:11 pm

Il est Dingue de drôlerie!
ajavi
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Re: Journal d'un exilé

Message par ajavi » ven. avr. 04, 2025 12:17 pm

Ils n'auront pas : ta liberté de pensée, j'ai rigolé à chaque ligne. Beau texte.
fabmanuel
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Re: Journal d'un exilé

Message par fabmanuel » ven. avr. 04, 2025 11:55 pm

Bien cher Monsieur Schaltzmann heil,

nous eûmes relu vos propos en cette fin de soirée propice au sommeil prolongé
du samedi Bref pas grand chose à glander
RE-Bref ma moitié ne bossant pas demain, a accepté de m'écouter vous lire,
je pense écarter Mann de mes environs, elle vous adore, apprécie vos mots!!!
Intolérable!!!
Bref cher Mann, dégage du quartier avec ta mob pourrie
et vos tshirts We will make St Tropez great again
et vos crocs TrumpX!
Sinon et avec plaisir,
zêtes un bel écrivain cher Schaltzy and I mean it
comme disent les russes, bises sur ton treillis Fab
schaltzmann
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Re: Journal d'un exilé

Message par schaltzmann » sam. avr. 05, 2025 9:54 am

Avant de me lire, je vous invite à lancer en fond la Gymnopédie n°1 d’Erik Satie.
Car si mes mots sont le vin, qu’ils soient versés dans une coupe de velours sonore. Qu’à la splendeur de mon verbe s’ajoute la tendresse d’une mélodie qui fait s'émouvoir même les geôliers des cachots les plus sombres.

Installez-vous. Inspirez. Ecoutez. Et laissez couler la sauce. -->> https://www.youtube.com/watch?v=TL0xzp4 ... iatishVEVO
( Cliquez avec le bouton central de votre souris pour ouvrir pour ne pas que je disparaisse !)


Mes très chers lecteurs,

Vous qui avez eu l’élégance de poser vos yeux las — ou pétillants, selon l’heure et le degré de sobriété — sur mon témoignage que je qualifierais d’émouvant, bouleversant et presque trop vrai pour être inventé, recevez ici l’expression la plus profonde de mon humble et néanmoins fièrement porté remerciement.

Vous m’avez lu. Et pour certains, relu. D’autres, dans un élan qui frôle la pathologie affective, ont même éprouvé le besoin d’écrire en retour. Non pour corriger mes fautes (car n'en déplaise à mon cher JT, j'ai le bon sens de me relire plusieurs fois et de passer par un correcteur lorsque le doute m'habite...), mais pour m’honorer de louanges. Vous m’avez ému. Ce qui, convenons-en, est un exploit comparable à faire rougir un curé de Betharram.

À ceux qui ont lu, un premier merci.

À ceux qui ont répondu, un second.

À ceux qui ont répondu avec des mots choisis, chargés d’éloges, un troisième, avec des paillettes et un soupçon de parfum d’ambre gris.

Un merci sincère, oui, mais tout de même bien enrobé de cette méfiance naturelle que j’éprouve pour les gens qui me trouvent du talent.

Parmi eux, un nom émerge, tel un canard de Barbarie dans une mare de pigeons de ville : Fab !

Fab le lecteur acharné, Fab le reliseur méthodique, Fab le biographe officieux de mes intentions littéraires, qui n’a pas hésité à exposer sa chère et tendre au rayonnement de ma prose, avec la candeur d’un responsable nucléaire présentant Tchernobyl et Fukushima comme un pique-nique pédagogique.

Fab l’indéfectible, Fab le récidiviste qui par deux fois a pris le temps de me répondre, à qui j'adresse un salut à la fois viril et complice, avec mention spéciale à sa douce moitié — ou quart, si l’on s’en tient aux mensurations déclarées, ce qui, soit dit entre nous, ne retire rien à sa grâce probable ni à son goût exquis en matière de lecture et, on peut le supposer, d’attirance littéraire.

Fab, si d’aventure la lecture partagée de ma prose devait semer le trouble au sein de ton cercle conjugal, que mes mots éveillent en ta moitié des songes interdits, des élans littérairement lubriques et si, dans un élan de prudence, tu venais à considérer ma présence comme un péril pour l’amour de ta bien-aimée… eh bien, ne te berce pas d’illusions, je ne m'inclinerai pas.

Car là où l’on me flatte, là où l’on me cajole, là où l’on m’encense, là je campe, là je m’installe, là je m’accroche aux rideaux et je ne lâche pas prise. Je suis l’amant platonique du lecteur qui frissonne, le satyre syntaxique du foyer cultivé.

Si tu veux te défaire de moi, cher Fab, il te faudra orchestrer une campagne de dénigrement dantesque, une entreprise de calomnie si vigoureuse, si méthodique, qu’elle ferait pâlir les plus vils pamphlétaires de la IIIe République. Et encore, je ne garantis pas que ta douce n’y voit pas une forme d’acharnement qui ne ferait que renforcer mon aura d’écrivain maudit à demi-talentueux mais trois-quarts séduisant.

Recevez donc, lecteurs, lectrices, et douce moitié de quart de Fab, l’expression de ma gratitude la plus soyeuse, la plus emphatique, la plus théâtralement disproportionnée !

Et je me retire sur la pointe des pieds, comme un soupir dans une cathédrale vide.

Votre serviteur,
Toujours brillant, parfois sincère, jamais modeste.

Schaltzmann, le scribouillard en goguette
blanjean
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Re: Journal d'un exilé

Message par blanjean » sam. avr. 05, 2025 11:46 am

Bonjour

Excellentes "salades" composées avec soin..

Belle représentation du forum qui peut souvent tourner en eau de boudin, après avoir eu du mal à digérer...

Vous avez laissé matière à vos successeurs, de se croire en un lieu d'aisance...Préférant évacuer sur la Faq
blanjean
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Re: Journal d'un exilé

Message par blanjean » sam. avr. 05, 2025 12:09 pm

Et le fondement de ma pensée... Post bien "torché'... Qui trouve peut-être ses origines au Quebec...
fabmanuel
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Re: Journal d'un exilé

Message par fabmanuel » sam. avr. 05, 2025 11:45 pm

Que l'on ensable ce Démon à marée basse avec des bulots ds les oreilles.
Des berniques sur front pour faire des cornes et de la salicorne dans les narines, sinon bises sur tes oreilles
si ravissantes cher Schaltzyvalapeau.974.
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